Le 22. avril représente un jour important dans l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et des droits de l’homme – le jour où, en 1945., le dernier groupe de prisonniers du camp de concentration de Jasenovac, souvent appelé ‘’L’Auschwitz de Balkans’’, a effectué une percée désespérée et héroïque pour la liberté, décidant de faire face à la mort au lieu de continuer à subir des atrocités inimaginables. Cette journée est célébrée comme la Journée de commémoration du génocide contre les Serbes, les Juifs et les Roms sous le régime brutal de l’État indépendant de Croatie (NDH), qui opérait sous le contrôle politique et militaire de l’Allemagne nazie.
Je vous écris non seulement en tant que responsable d’une institution qui, entre autres, a pour mandat de promouvoir une culture de la mémoire, mais aussi en tant que conférencier certifié de Yad Vashem pour l’Holocauste depuis 2005. et en tant que descendant direct des victimes du génocide contre le peuple serbe dans l’État indépendant de Croatie. L’objectif de cette lettre est de remédier à un profond échec moral et à un oubli systémique dans votre récit historique, qui à travers les générations, continue d’infliger de douleur aux survivants et à leurs familles.
Sous les auspices de l’Allemagne nazie, l’État indépendant de Croatie (NDH) a mis en œuvre un plan terrible visant à détruire systématiquement environ deux millions de membres de la population serbe sur son territoire – pour en tuer un tiers, l’autre tiers pour expulser et assimiler de force le reste par le catholicisme et la croatisation. Cet agenda génocidaire s’est déroulé parallèlement à la destruction brutale des Juifs et des Roms/Sinti qui a eu lieu sur le même territoire, le tout sous la supervision et la complicité de l’Allemagne. Selon les estimations d’aujourd’hui, ce génocide comprend 1,1 à 1,3 million de Serbes dans l’État indépendant de Croatie (NDH), ce qui reflète une période catastrophique de destruction ciblée qui a été idéologiquement et politiquement soutenue et controlée par l’Allemagne nazie.
Cette horrible politique génocidaire, visant à l’extermination et à l’assimilation de la population serbe, a été largement analysée et confirmée par diverses sources crédibles – y compris Rafael Lemkin, le créateur de la Convention sur le génocide, les archives des procès de Nuremberg et de nombreux scientifiques de premier plan à travers le monde. Ces évaluations expliquent en détail la complicité et la responsabilité politique, militaire et idéologique de l’Allemagne dans ces crimes.
Ce génocide, comme d’autres, devrait être reconnu en vertu des lignes directrices établies par la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide. Il est de la responsabilité de la communauté internationale y compris de l’Allemagne, de reconnaître de tels crimes afin d’empêcher qu’ils ne se reproduisent et de respecter universellement les droits de l’homme.
L’absence de reconnaissance formelle de ce génocide par l’Allemagne est une injustice dont nous souffrons encore aujourd’hui et qui creuse les blessures du passé. Cette omission peut être perçue comme un acte discriminatoire qui réveille de vieux préjugés et la serbophobie – un indice que les vies slovènes et serbes ont moins de valeur et un rappel douloureux des hiérarchies raciales propagées par l’idéologie nazie.
Compte tenu de son rôle historique, l’Allemagne a la responsabilité particulière de montrer l’exemple en promouvant la compréhension de ces chapitres sombres de l’histoire et d’œuvrer au renforcement de l’influence de la tolérance et de la justice.
Je signale avec une profonde inquiétude, une incohérence inquiétante dans la politique nationale de l’Allemagne. Alors que l’Allemagne parrainait des initiatives à l’Assemblée générale des Nations Unies pour reconnaître et condamner d’autres crimes de masse récents, elle hésite en même temps à faire face pleinement et de manière transparente à ses péchés historiques et à sa responsabilité dans le génocide contre les Serbes dans l’État indépendant de Croatie (NDH). Cette approche sélective sape non seulement la crédibilité de l’Allemagne sur la scène internationale, mais remet également en question son autorité morale pour défendre les droits de l’homme et la justice dans le monde.
En évitant de reconnaître cette partie de son histoire, l’Allemagne risque d’être perçue comme se cachant derrière la façade d’une mémoire sélective, refusant d’accepter pleinement le processus douloureux mais nécessaire d’une réconciliation historique complète.
Créer une perception de l’hypocrisie de l’Allemagne est particulièrement désagréable et nuisible, tant au niveau national qu’international car cela suggère un soutien conscient à la survie de vielles idéologies et de préjugés sous de nouvelles formes.
Compte tenu de tout cela, j’appelle respectueusement le Parlement allemand à corriger cet oubli et à adopter dès que possible une résolution et à reconnaître officiellement le génocide contre les Serbes dans l’État indépendant de Croatie (NDH). Je demande également que le 22 avril soit institué comme Journée nationale de commémoration du génocide contre les Serbes, avec un programme éducatif dans les programmes scolaires. Cette procédure permettrait non seulement d’aligner la politique nationale de l’Allemagne en matière de droits de l’homme sur sa position internationale, mais aussi de renforcer son engagement à reconnaître toutes les victimes de crimes passés et enfin de mettre fin à la discrimination à l’égard des victimes en raison de leur identité culturelle.
Notre institution s’est engagée à soutenir cette cause par le biais de programmes éducatifs, de recherche et d’engagement du public, afin de s’assurer que la vérité sur ce sombre chapitre de l’histoire soit pleinement reconnue et commémorée. Nous sommes prêts à fournir toute l’assistance nécessaire pour faciliter cet important acte de reconnaissance.
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir m’informer de toute action ou décision parlementaire liée à cette question et je recommande de garantir la transparence qui est essentielle pour réparer et corriger les injustices historiques.
Alors que nous rendons hommage à ceux qui sont courageusement battus pour leur dignité et leur vie le 22. avril 1945., engageons-nous à défendre les valeurs pour lesquelles ils se sont sacrifiés. Je me réjouis de votre soutien et de votre témoignage à un tournant dans notre histoire commune, où l’Allemagne reconnaîtra et corrigera les erreurs de son passé, prouvant ainsi son engagement en faveur de la vérité, de la justice et de la réconciliation. Je vous prie d’agréer, Membres Respectés du Parlament allemand, l’expression de ma considération distinguée.
DIRECTEUR
Dušan Pavlović
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